Crise du Venezuela

À partir du haut, dans le sens horaire : manifestants devant la police ; des étalages vides ; file d'attente pour le supermarché ; la plus grande marche.

La crise du Venezuela désigne une période de chamboulements sociaux, économiques et politiques débutant au Venezuela en 2013, sous la présidence de Nicolás Maduro.

L'économie vénézuélienne étant fortement dépendante de la rente pétrolière, qui représente 90 % des exportations et plus de 50 % du budget de l'État, la chute des cours du pétrole démarrée en 2013 (−70 % entre 2013 et 2016) fait chuter les revenus de l'État et fait entrer le pays dans une grave crise économique.

Elle est caractérisée par l'hyperinflation, la sous-alimentation croissante, la maladie, la criminalité, ce qui entraîne une émigration massive[1]. Cette situation est la pire crise économique de l'histoire du Venezuela et l'une des plus graves à laquelle un pays qui n'a pas été en guerre depuis la deuxième moitié du XXe siècle a été confronté[2],[3],[4],[5],[6]. En comparaison avec les crises historiques, celle-ci est plus sévère que celle des États-Unis pendant la Grande Dépression, la crise économique de 1985-1994 au Brésil, la crise d'hyperinflation au Zimbabwe de 2008-2009 ou celle des pays d'Europe de l'Est à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique[6],[7],[8].

Le gouvernement ne réussit pas à réduire les dépenses face à la baisse des revenus pétroliers et gère la crise en niant son existence[9] et en réprimant violemment l'opposition[1],[10]. La corruption politique, les pénuries chroniques d'aliments et de médicaments, la fermeture d'entreprises, le chômage, la baisse de la productivité, l'autoritarisme, les violations des droits de l'homme, la mauvaise gestion économique et la forte dépendance à l'égard du pétrole contribuent également à l'aggravation de la crise[11],[12],[13]. Certaines critiques disent que la crise est provoquée par les politiques socialistes du pays[14], bien que la plupart de ses politiques aient été qualifiées de populistes[15],[16],[17], celles-ci sont utilisées pour maintenir le pouvoir politique[18],[19],[20]. D'autres critiques affirment que la crise a plus à voir avec la gouvernance antidémocratique, la corruption et la mauvaise gestion de l'économie[21],[22],[23],[24]. En 2018, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) documente que « les informations recueillies indiquent que la crise socio-économique se déroulait depuis plusieurs années » avant les sanctions internationales[25]. Michelle Bachelet a dit en 2019 que la crise économique et sociale se détériorait dramatiquement et que le gouvernement n'avait pas reconnu ni abordé l'ampleur de la crise ; elle a exprimé sa préoccupation que bien que « la crise économique et sociale omniprésente et dévastatrice a commencé avant l’imposition des premières sanctions économiques », ces sanctions pourraient aggraver la situation[26],[27].

La crise affecte la vie de la population moyenne du Venezuela à tous les niveaux. Les données de l'ONU soulignent qu'entre 2016 et 2017, 600 000 Vénézuéliens ont basculé dans la sous-alimentation, alors que ce problème avait quasiment été éradiqué au cours des années 2000 : la proportion de personnes souffrant de la sous-alimentation avait chuté de 16,3 % en 2000 à 3,6 % en 2010[28]. En 2017, près de soixante-quinze pour cent de la population a perdu du poids, en moyenne plus de 8 kg selon une étude d'une université vénézuélienne[12], et plus de la moitié ne dispose pas d'un revenu suffisant pour couvrir leurs besoins alimentaires de base[29]. Reuters indique qu'un rapport de l'ONU estimait en mars 2019 que 94 % des Vénézuéliens vivent dans la pauvreté et que plus de 10 % des Vénézuéliens (3,4 millions) ont quitté leur pays[30]. Cette émigration provoque une baisse du nombre de médecins par habitant, tandis que l'embargo instauré par les États-Unis empêche le Venezuela d'importer des médicaments[28]. L'analyse des Nations unies estime en 2019 que 25 % des Vénézuéliens ont besoin d'une forme d'aide humanitaire[30],[31]. Le Venezuela est en tête du monde en taux de meurtre, avec 81,4 sur 100 000 personnes tuées en 2018, ce qui en fait le troisième pays le plus violent du monde[32].

Le Panorama de la sécurité alimentaire, publié par quatre agences de l'ONU (FAO, l'OMS, le Programme alimentaire mondial et l'UNICEF), estime que 11,7 % des Vénézuéliens sont sous-alimentés en 2017, soit une proportion plus élevée que le taux planétaire (10,9 %) mais inférieure à la région caraïbe (17 %). D'après l'Église catholique vénézuélienne, la situation nutritionnelle se serait un peu améliorée en 2018 sous l'effet des mesures gouvernementales de lutte contre l'inflation. Le Programme alimentaire mondial ne situe pas le Venezuela parmi la cinquantaine de pays en situation de crise humanitaire et nécessitant une intervention urgente[28].

  1. a et b Larmer, Brook, « What 52,000 Percent Inflation Can Do to a Country », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Chris Huby & Matthieu Delmas, « Venezuela : plongée au cœur du cauchemar bolivarien », sur Le Figaro Magazine,
  3. Chris Huby & Matthieu Delmas, « Maracaibo, miroir de tous les maux du Venezuela », sur France 24,
  4. (es) Salmerón, Víctor, « ¿Qué dice la Encovi 2017 sobre la calidad de vida de los venezolanos? », Prodavinci,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. Biller, David and Patricia Laya, « Venezuela unemployment nears that of war-ruined Bosnia, IMF says », Bloomberg,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. a et b (en-US) Anatoly Kurmanaev, « Venezuela's Collapse Is the Worst Outside of War in Decades, Economists Say », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ) :

    « Venezuela’s fall is the single largest economic collapse outside of war in at least 45 years, economists say. ... economists say, the poor governance, corruption and misguided policies of President Nicolás Maduro and his predecessor, Hugo Chávez, have fueled runaway inflation, shuttered businesses and brought the country to its knees. ... most independent economists say the recession began years before the sanctions, ... »

  7. Krauze, Enrique, « Hell of a Fiesta », New York Review of Books,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Goodman, Joshua and Luis Alonso Lugo, « US officials: 16 nations agree to track Venezuela corruption », The Washington Post,‎ (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )
  9. (es) « Delcy Rodríguez: No existe crisis humanitaria en Venezuela », El Nacional,‎ (lire en ligne, consulté le )
    * (es) « Maduro niega la diáspora venezolana en la ONU: Se ha fabricado por distintas vías una crisis migratoria - LaPatilla.com », LaPatilla.com,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « Venezuela blackout, in 2nd day, threatens food supplies and patient lives », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ) :

    « The Maduro administration has been responsible for grossly mismanaging the economy and plunging the country into a deep humanitarian crisis in which many people lack food and medical care. He has also attempted to crush the opposition by jailing or exiling critics, and using lethal force against antigovernment protesters. »

  11. (en) Sibery, Brian Loughman, Richard A., Bribery and corruption : navigating the global risks, Hoboken, N.J.: Wiley., , 432 p. (ISBN 978-1-118-01136-2, lire en ligne)
  12. a et b (en) « Venezuela: 75% of population lost 19 pounds amid crisis », sur UPI (consulté le )
  13. (pt-BR) « Venezuela deve continuar como economia mais miserável do mundo », sur economia.uol.com.br (consulté le )
  14. (en) Anthony Faiola closeAnthony FaiolaCorrespondent covering Latin America et Venezuela, « In socialist Venezuela, a crisis of faith not in just their leader but their economic model », sur Washington Post (consulté le )
  15. Andrew Heritage, Financial Times World Desk Reference, Dorling Kindersley, , 618–621 p. (ISBN 978-0-7894-8805-3)
  16. Gregory Wilpert Wilpert, Changing Venezuela By Taking Power : The History and Policies of the Chavez Government, Verso, (ISBN 978-1-84467-552-4, lire en ligne), p. 69
  17. Javier Corrales, « Don't Blame It On the Oil », Foreign Policy,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. (ko) « 화폐경제 무너졌는데…최저임금 인상에 목매는 베네수엘라 », sur news.chosun.com,‎ (consulté le )
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  21. Dion Rabouin, « Here's why you can't blame socialism for Venezuela's crisis », Yahoo! Finance,‎ (lire en ligne, consulté le ) :

    « Socialism can result in diverse outcomes that range from the economy of Norway to that of Venezuela, and socialist leaders who vary as widely as Bolivia’s Evo Morales and France’s former President François Hollande . . . Venezuela’s problems stem from corruption and egregious mismanagement, which can happen anywhere. Countries with socialist regimes such as China, Vietnam, Chile and many in Europe have managed to successfully grow their economies as Venezuela’s has tumbled. »

  22. Francisco Toro, « No, Venezuela doesn't prove anything about socialism », The Washington Post,‎ (lire en ligne, consulté le ) :

    « Since the turn of the century, every big country in South America except Colombia has elected a socialist president at some point. Socialists have taken power in South America’s largest economy (Brazil), in its poorest (Bolivia) and in its most capitalist (Chile). Socialists have led South America’s most stable country (Uruguay) as well as its most unstable (Ecuador). Argentina and Peru elected leftists who, for various reasons, didn’t refer to themselves as socialists — but certainly governed as such. Mysteriously, the supposedly automatic link between socialism and the zombie apocalypse skipped all of them. Not content with merely not-collapsing, a number of these countries have thrived. »

  23. « Socialismo de Maduro ha convertido a Venezuela en un estado de pobreza y desesperación: Trump », El Financiero,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. Margarita López Maya, « Populism, 21st-century socialism and corruption in Venezuela », Thesis Eleven, vol. 149,‎ , p. 67–83 (DOI 10.1177/0725513618818727)
  25. « Human rights violations in the Bolivarian Republic of Venezuela: a downward spiral with no end in sight », sur Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, (consulté le )
  26. (es) « 10 claves del informe de Michelle Bachelet sobre Venezuela » [« 10 keys if Michelle Bachelet's report on Venezuela »], Prodavinci,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « Oral update on the situation of human rights in the Bolivarian Republic of Venezuela », OHCHR, (consulté le ) : « The extent and severity of the crises in food, health care and basic services, have not been fully acknowledged by the authorities, thus the measures they have adopted have been insufficient. ... Although this pervasive and devastating economic and social crisis began before the imposition of the first economic sanctions in 2017, I am concerned that the recent sanctions on financial transfers related to the sale of Venezuelan oil within the United States may contribute to aggravating the economic crisis, with possible repercussions on people's basic rights and wellbeing. »
  28. a b et c Benito Perez, « Grand bluff humanitaire », sur Le Courrier,
  29. Yohama Caraballo-Arias, Jesús Madrid et Marcial Barrios, « Working in Venezuela: How the Crisis has Affected the Labor Conditions », Annals of Global Health, vol. 84, no 3,‎ , p. 512–522 (ISSN 2214-9996, PMID 30835391, PMCID 6748246, DOI 10.29024/aogh.2325)
  30. a et b (en) « Venezuelans facing 'unprecedented challenges,' many need aid - internal U.N. report », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. « Venezuelan migrant exodus hits 3 million: U.N. », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. « UNODC: Intentional Homicide Victims », United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC) (consulté le )

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